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Céder son entreprise ne se résume pas à une simple négociation de prix ou à la signature d’un acte de vente. C’est une opération qui soulève une multitude de questions, en particulier sur le plan comptable. Valorisation des actifs, régularité des comptes, traitement des dettes, fiscalité de la cession, modalités de transmission… les enjeux sont nombreux.

Ce guide a pour objectif d’exposer les points de vigilance essentiels à prendre en compte lors d’une cession d’entreprise. Il s’adresse aussi bien aux dirigeants cédants qu’aux repreneurs souhaitant sécuriser leur investissement.

Bien distinguer la nature de la cession

Cession de titres ou cession de fonds de commerce : deux logiques différentes

Avant de s’intéresser aux détails comptables, il convient de clarifier la forme juridique de la cession. On distingue principalement deux situations :

  • La cession de titres (parts sociales ou actions), dans laquelle le repreneur achète l’ensemble de la société (son passif, son actif, ses contrats en cours)
  • La cession de fonds de commerce, dans laquelle seule l’activité est transférée, sans reprendre la société elle-même

Dans le cas d’une cession de titres, l’acheteur reprend l’historique comptable de l’entreprise. Cette continuité implique une vigilance renforcée sur les comptes. C’est dans ce contexte que la plupart des clauses de garantie s’appliquent, notamment la garantie d’actif et de passif, destinée à protéger l’acquéreur contre des charges ou des risques non identifiés au moment de la vente.

La cession de fonds, plus fréquente pour les petites structures, soulève moins de problématiques comptables rétroactives mais nécessite tout de même un examen attentif de la situation financière.

La forme de la cession conditionne largement la nature des contrôles à opérer.

La préparation comptable du dossier

Des comptes annuels irréprochables

Avant toute discussion sérieuse avec un repreneur, il est indispensable de présenter des comptes clairs, à jour et structurés. Cela suppose :

  • des bilans établis au moins sur les trois derniers exercices
  • un compte de résultat précis et cohérent
  • une annexe lisible
  • un rapport de gestion si requis

Une attention particulière doit être portée à la régularité des écritures, à la fiabilité des immobilisations inscrites, et à la cohérence entre le chiffre d’affaires déclaré et la réalité de l’activité.

Plus les comptes sont lisibles, plus la négociation est fluide. Un dossier désordonné suscite la méfiance et ralentit la cession.

Les retraitements nécessaires

Dans de nombreux cas, il peut être pertinent d’ajuster certaines données pour refléter la réalité économique :

  • salaires du dirigeant qui excèdent les standards du marché
  • dépenses personnelles intégrées dans les charges
  • charges non récurrentes
  • provisions excessives ou sous-estimées

Ces retraitements permettent d’obtenir un EBE (excédent brut d’exploitation) ou un résultat plus représentatif de la performance réelle. Ils sont souvent utilisés comme base de calcul pour la valorisation.

Valoriser correctement l’entreprise

Les méthodes de valorisation les plus courantes

Il n’existe pas de formule universelle. La méthode retenue dépend du secteur d’activité, de la taille de l’entreprise, et des données disponibles. Les plus fréquentes sont :

  • la méthode des multiples de résultat (EBE, résultat net, CAF)
  • la méthode patrimoniale (actif net réévalué)
  • la méthode comparative (benchmark avec d’autres cessions similaires)
  • la méthode DCF (actualisation des flux de trésorerie futurs), plus rare pour les PME

Attention aux éléments exceptionnels

Certains éléments non récurrents peuvent fausser la valorisation si on ne les isole pas correctement : subventions ponctuelles, indemnités d’assurance, litiges en cours, recettes exceptionnelles.

Il vaut mieux éviter de baser un prix de cession sur une année atypique.

Examiner en détail le passif et les engagements

Les dettes financières et sociales

L’état exact des dettes est un point de vigilance incontournable :

  • emprunts bancaires, prêts d’honneur ou PGE encore en cours
  • dettes fournisseurs
  • dettes fiscales et sociales (TVA, charges URSSAF, IS, CFE…)

Un état de rapprochement bancaire actualisé est indispensable, tout comme un tableau des échéances de remboursement. Il est préférable d’anticiper les éventuelles régularisations à effectuer.

Les contrats en cours

L’acheteur doit connaître l’existence de :

  • contrats fournisseurs avec engagement de durée
  • baux commerciaux
  • abonnements logiciels ou matériels
  • clauses de non-concurrence avec d’anciens salariés

La reprise de ces contrats peut alourdir ou sécuriser l’exploitation selon leur nature.

Un examen précis du bilan permettra de vérifier que ces éléments sont correctement comptabilisés et provisionnés.

Les éléments extra-comptables à intégrer

Le rôle du dirigeant dans le fonctionnement de l’entreprise

Il est fréquent, dans les TPE et PME, que le dirigeant assure une part essentielle de la production ou de la relation client.

Cela implique de se demander si l’entreprise peut fonctionner sans lui, ou s’il faudra recruter pour compenser. Cette dépendance doit être prise en compte dans la valorisation, même si elle n’apparaît pas directement dans les comptes.

Le niveau d’autonomie de l’entreprise vis-à-vis de son dirigeant pèse lourd dans la décision d’achat.

L’environnement juridique et fiscal

Le statut juridique (SARL, SAS, entreprise individuelle) conditionne le mode de cession et la fiscalité applicable :

  • imposition sur la plus-value à titre professionnel ou privé
  • exonérations possibles (article 151 septies, départ en retraite, seuils de chiffre d’affaires)
  • droits d’enregistrement

Les régimes d’imposition choisis (IR ou IS) ont également un impact sur la présentation des résultats comptables.

Une analyse fiscale détaillée doit être anticipée bien avant la signature de l’acte.

Les audits à prévoir avant la vente

L’audit comptable

Il peut être commandé par le vendeur ou par l’acheteur. Il s’agit d’un audit limité qui vise à :

  • s’assurer de la fiabilité des comptes présentés
  • identifier d’éventuelles anomalies ou incohérences
  • vérifier les postes à risque (stocks, créances, immobilisations)

Il n’a pas la rigueur d’un audit légal mais permet une validation globale de la situation financière.

L’audit social

Il concerne les contrats de travail, les bulletins de paie, les charges sociales, les procédures disciplinaires en cours, les risques prud’homaux.

Dans certains secteurs, un passif social mal maîtrisé peut représenter un frein sérieux à la reprise.

L’audit fiscal

Il vérifie la conformité des déclarations effectuées : TVA, IS, CFE, taxe sur les véhicules de société, taxe foncière, etc.

En cas d’irrégularités, l’acquéreur peut exiger une réduction du prix ou une clause de garantie spécifique. Et bien évidemment, le vendeur est libre d’accepter ou non, tout ça fait donc partie de la négociation.

Questions fréquentes lors d’une cession d’entreprise

Qui rédige la garantie d’actif et de passif ?

Elle est généralement préparée par le conseil juridique du vendeur, puis négociée avec celui de l’acheteur. Elle précise les conditions dans lesquelles le vendeur devra indemniser l’acheteur si un passif antérieur venait à apparaître.

Cette clause est indispensable dans une cession de titres, moins fréquente dans une cession de fonds de commerce.

Peut-on vendre avec un exercice non clôturé ?

Oui, mais cela nécessite de produire une situation comptable intermédiaire, souvent appelée situation au « jour J ». Elle doit être suffisamment précise pour permettre au repreneur de juger de la rentabilité et des risques.

Elle est aussi utilisée pour ajuster le prix de cession selon les flux financiers survenus depuis le dernier bilan.

Faut-il recruter un expert-comptable spécifique pour vendre ?

Ce n’est pas une obligation, mais c’est une démarche fortement recommandée. L’expert-comptable habituel du vendeur connaît l’entreprise, mais un œil extérieur permet parfois de mieux valoriser certains éléments ou d’anticiper les questions sensibles.

Un expert-comptable dédié à la cession peut aussi produire des documents de synthèse (retraitements, valorisation, argumentaire financier) utiles pour convaincre les acheteurs potentiels.

Combien de temps faut-il pour céder une entreprise ?

La durée dépend du type d’activité, de la taille de la structure, du niveau de préparation du dossier et de la qualité des repreneurs potentiels. En moyenne, il faut prévoir entre 6 et 12 mois.

Il est donc recommandé de préparer la cession bien en amont, au moins un an avant la date souhaitée.

Ce qu’un cabinet comptable peut apporter

Structurer l’ensemble du dossier

Un cabinet d’expertise comptable peut intervenir bien au-delà des chiffres. Il accompagne :

  • la préparation des comptes et des retraitements
  • l’analyse des ratios financiers
  • la présentation de la situation au repreneur
  • le dialogue avec les conseils juridiques

L’expert-comptable devient un partenaire stratégique tout au long du processus.

Anticiper les conséquences fiscales

En lien avec le notaire ou l’avocat, il peut modéliser plusieurs scénarios de cession et leurs impacts : montant net perçu, abattements applicables, reports d’imposition éventuels.

Cela permet au dirigeant de faire un choix éclairé entre plusieurs options juridiques ou fiscales.